Lorsqu’une fée à la mémoire défaillante rencontre un dragon bourru, le monde surnaturel change à tout jamais.
Griff est né fée de l’Amour, mais il ne s’est jamais vraiment senti à sa place. Il ne voulait pas faire partie d’un harem… du moins, c’est ce qu’il croyait. Mais maintenant qu’il a perdu ses ailes et que sa mémoire lui joue des tours, il n’est plus sûr de ce qu’il ressentait avant. Ce dont il est convaincu, en revanche, c’est de vouloir récupérer ses ailes. Sans cela, il est cloué au sol.
Blaze est un dragon métamorphe qui a tendance à mettre les pieds dans le plat – et d’autres parties du corps dans d’autres choses – aux moments les moins opportuns. Son frère est le roi et sa belle-sœur est effrayante. À cause de sa dernière gaffe, Blaze est puni – interdit de prendre sa forme de dragon. Si cela lui semble extrême, il ne peut y échapper.
Lorsque des fées de l’Amour débarquent au château pour négocier une alliance, Blaze se lasse vite de jouer les gardes de ces êtres sulfureux. Il est d’ailleurs bien vite déçu de constater qu’ils ne restent pas petits et adorables. En essayant d’écraser un insecte qui lui bourdonne aux oreilles, Blaze déclenche presque une guerre entre espèces lorsqu’il s’avère que l’insecte transporte une fée.
De cette première rencontre indélicate entre Griff et Blaze naîtra quelque chose d’aussi merveilleux que dangereux…
General Release Date: 4th June 2024
Blaze se frotta l’épaule à l’endroit où la douleur persistait. Il avait eu de la chance que le fouet l’ait pris de côté, sinon il aurait vraiment eu mal.
Bien entendu, même un bon coup de fouet valait mieux que son châtiment de ne pas avoir le droit de voler. Ni de se transformer. Être coincé sous sa forme frêle d’humain à dépendre de ces deux jambes maigrichonnes, ça puait du cul comme un troll.
En imaginant ça, il tira presque au cœur. Les trolls empestaient, une vraie infection, pire que les décharges fécales de dragon – et s’il fallait expliquer cette zone à quiconque, cette personne n’avait clairement pas de nez.
En plus, les trolls n’étaient pas des références de beauté. Ça faisait partie de leur héritage, tout ça. Ils avaient aussi tendance à avoir de très grosses boules pendantes qui leur arrivaient presque aux chevilles.
Cette fois-ci, Blaze tira au cœur et appuya une main sur son ventre. Il devait se sortir cette image de trolls de la tête.
— Hé, le tordu, il paraît que tu t’es fait retirer tes pouvoirs pour un pauvre plan cul.
Blaze dévisagea Bort.
— Oui, tu as raison. Ton père n’en valait pas la peine.
— Mon… Une lueur rouge éclaira les yeux de Bort et de la fumée lui sortit des narines. Je vais te cramer, espèce de pervers !
Blaze s’efforça d’internaliser ses tremblements. Il avait appris à ne pas montrer sa peur aux brutes.
— Vas-y. Le roi Fyre ne t’en voudra sûrement pas. Tu auras sûrement belle allure sur une broche.
— Tu crois que juste parce que ton frère est roi…
Blaze haussa un sourcil en regardant Bort – sachant pertinemment que ça lui donnait un air cool, parce qu’il s’était entraîné jusqu’à ce que ce soit parfait et que ce haussement du sourcil ait la classe.
— Je vais me risquer à dire que ça signifie qu’il te fera rôtir si tu portes la main sur moi.
La seule raison pour laquelle le type qui l’avait fouetté respirait encore, c’était parce que Blaze l’avait mérité, en quelque sorte. En quelque sorte, oui, car il ignorait que Valdez était marié. Autrement, il n’aurait pas couché avec. Probablement pas. La moralité de Blaze était parfois discutable, mais c’était seulement parce qu’il mourait d’envie qu’on le touche.
— Ouais, si tu le dis, répondit Bort d’une voix traînante. Tu vas probablement te cramer tout seul, ça évitera aux bons dragons de le faire. Blaze la braise, gloussa-t-il en faisant un doigt d’honneur à Blaze des deux mains.
Sûrement avec ses orteils aussi, mais Blaze ne pensa pas à vérifier en regardant avec envie Bort se transformer en un magnifique dragon turquoise et or.
Bort souffla une longue flamme qui frôla la tête de Blaze avant de battre de ses ailes puissantes et de s’envoler au loin. L’air était imprégné d’une odeur rance.
Blaze poussa un soupir et toucha les cheveux que Bort venaient de roussir. Tout le monde allait croire qu’il s’était fait ça tout seul – encore une fois. Même s’il était puni, on se donnerait à cœur joie de deviner ce qu’il avait fait de stupide pour brûler sa propre tignasse, et les rumeurs iraient bon train. Il se préoccuperait de ça plus tard. Dans l’immédiat, il devait régler son compte à une brute épaisse. Ça lui manquait tellement de ne pas pouvoir lancer de flammes.
C’était vrai qu’il ne savait pas contrôler son feu et qu’il pouvait représenter un danger. Mais il n’avait encore tué personne accidentellement.
— Pouah.
Blaze renifla et essaya de dissiper l’odeur autour de lui de la main. C’était inutile. Celle-ci était sur sa tête. Il pouvait brasser l’air toute la journée sans que ça fasse la moindre différence.
Résigné à retourner à son nid en marchant – ce qui signifiait passer au cœur de la cité des dragons, puisqu’il ne pouvait plus voler – Blaze se prépara aux regards et aux murmures qu’il endurerait. Aujourd’hui, il serait encore plus au cœur des discussions que d’habitude. Franchement, il aurait dû y être habitué, mais en vérité, ça le blessait toujours.
Malgré tout, lorsqu’il entendit l’effervescence des conversations autour de lui, Blaze garda la tête haute, même avec ses cheveux roussis. Il espéra que tous ceux qui chuchotaient à son sujet se prenaient une bonne bouffée d’air nocif dans le tarin.
* * * *
— Où ai-je mis mes chaussures ?
Griff s’agitait autant qu’il était possible de le faire pour une fée sans ailes en cherchant ses chaussures violet clair. Bizarrement, il était très doué pour s’agiter : en gesticulant dans tous les sens et en tressaillant.
— Est-ce qu’Egregio les a mangées ? demanda Gia, en volant au-dessus de lui.
Griff la toisa du regard.
— Tu pourrais arrêter de faire ça ? Je me sens déjà super naze sans mes ailes.
Qui savait qu’on pouvait les perdre en prenant un coup ? Pas Griff et toutes les autres fées en avaient été choquées dans sa cabriole. Il faut dire que les fées de l’Amour n’étaient pas exactement des grosses têtes. Elles faisaient plus dans le sensuel que dans l’intellectuel. Pour les cerveaux, il fallait plutôt se tourner vers les fées du Génie, mais bonne chance pour obtenir de l’aide de la part de cette bande de snobinardes. Elles ne parlaient à personne ayant un QI inférieur à cent-soixante – soit la majorité du monde magique.
— Pardon, s’excusa Gia avec une grimace en atterrissant. Arf. Comment supportes-tu d’être constamment sur tes pieds ? Ça ne plaît pas à mes jambes. Ça les fait travailler. C’est tellement plus facile de voler ou… suggéra-t-elle avec un sourire en coin.
— Ne le dis même pas. Griff connaissait ses semblables comme s’il les avait faits. En tant que fée de l’Amour, ça ne devrait pas le déranger de connaître les escapades sexuelles de sa sœur. Il était peut-être simplement jaloux. Garde tes histoires sordides pour toi.
Gia loucha brièvement en le regardant.
— Mais arrête. Comment une prude comme toi a-t-elle pu éclore dans notre cabriole ?
— C’est ce que je me suis toujours demandé, marmonna Griff. Ah !
— Quoi ?
Griff s’agenouilla et mit la tête sous son lit, puis il avança un peu plus en rampant.
— Je te jure, Egregio, si tu me mords, je te donne en pâture aux dragons.
— Roah !
C’était plus une plainte qu’autre chose.
Griff baissa la tête et regarda le feulin sous son lit. Il ressemblait à un chat du monde humain, mais il avait deux jambes et de gros orteils poilus ainsi que des crocs de la taille de l’index de Griff, ce qui donnait à l’animal un air assez féroce.
— Je ne plaisante pas. La dernière fois que tu m’as mordu, ça s’est infecté. Tu as de la chance que je ne t’aie pas jeté dehors à ce moment-là.
Des petits yeux rouges luirent en le fixant.
— Roah, roah, roah.
— Oui, maintenant, tu es désolé. Griff lui fit un signe des doigts. Donne-moi mes chaussures.
Les souliers violets furent lancés dans sa direction tandis qu’Egregio continuait ses vocalisations.
— Je sais, oui, elles sont jolies. C’est pour ça que je les aime aussi. Maintenant, si tu es gentil et que tu gardes les bousiers à distance pendant une bonne semaine, j’envisagerai de te trouver une paire rien que pour toi.
Les feulins étaient des compagnons sympas tant qu’ils étaient loyaux. Mais ça leur arrivait de l’oublier.
Quelques roah de plus et Griff fut presque convaincu que son feulin lui jurait de combattre les scarabées vert vif qui migraient dans la zone pour atteindre la décharge fécale des dragons. Griff l’espérait, en tout cas. Le bourdonnement des bousiers lui donnait de sérieux maux de tête et lui remémorait l’un des pires moments de sa vie.
— Ça y est, j’ai mis mes chaussures, Gia. On peut y aller… Griff se retourna, cherchant sa sœur, mais en vain. Elle avait déjà abandonné l’intérieur du champignon. Génial. Génial ! Comment je vais faire pour trouver où mes ailes sont tombées, maintenant ?
Griff avait du mal à se souvenir de certaines choses. L’attaque de l’humain écraseur d’insectes lui avait causé une fissure au crâne, la perte de ses ailes et il avait même failli y rester. Sa mémoire en portait les séquelles depuis, mais il avait de la chance d’être en vie.
Même si le terme « chance » était relatif. S’il ne parvenait pas à trouver ses ailes, à quoi bon être en vie ?