—Et maintenant, chers amis, Lana va offrir sa soumission à son nouveau mari, annonça Damien Lowell.
Julia fronça les sourcils. Soumission?
Lana et Julia avaient discuté au téléphone plus tôt dans la semaine pour parler des plans finaux du mariage. Lana l'avait prévenu que leur union sortirait de l'ordinaire. Elle avait été vague en ce qui concernait les détails, mais elle avait fait promettre à Julia de ne rien dire pendant la cérémonie.
Elles avaient été amies depuis leurs dix ans, et jamais Julia n'aurait raté les festivités, même si elles étaient un peu étranges.
Jusqu'à maintenant, tout s'était déroulé comme prévu.
La cérémonie avait lieu à la montagne dans la maison de leur ami Damien, qui était celui qui mariait Lana et Ben.
Environ deux douzaines de personnes parmis les amis les plus proches du couple s'étaient réunis dans le grand salon, et, au crépuscule, Lana avait descendu les escaliers de la maison pittoresque de Damien avec à la main, une seule rose, blanche et magnifique, pour aller avec sa longue robe.
Le seul cadeau qui avait été demandé était une bougie. Dans un élan romantique, le couple avait dit qu'ils souhaitaient que leurs amis illuminent la voie vers leur futur.
Lorsque Ben et Lana avaient joint leurs mains et firent face à Damien, de gros flocons de neige commencèrent à tomber du ciel nuageux. Leurs vœux inclurent le mot obéir, ce qui était plutôt inhabituel dans leur cercle d'amis. Mais tout le reste se déroula normalement. Lana mit la rose sur la cheminée derrière Damien avant qu'elle ne procède à l'échange d'anneaux avec Ben.
—Lana, commença Damien.
—Oui, Monsieur, répondit Lana.
Monsieur? Jusqu'à ce soir, Julia n'avait jamais rencontré Damien. Elle savait qu'il était un ami du fiancé, et qu'il était aussi beau qu'un acteur de cinéma. L'homme en question avait de long cheveux sombres qui bouclait dans sa nuque, et il arborait une expression indescriptible d'autorité aussi aisément qu'il remplissait son costume gris anthracite. Mais tout de même, de là à ce que son amie l'appelle Monsieur…?
Lana baissa son regard vers le sol, et tourna avec grâce pour présenter son dos à son nouveau mari.
Ben défit le rang de minuscules boutons qui tenait sa robe fermée.
C'est quoi ce bordel?
Ben poussa le tissu des épaules de Lana et laissa la robe choir sur le sol.
Lana, ne portant que des talons carrés, un corset et des bas, fit un pas hors de sa robe pour qu'un autre homme la ramasse et l'étende sur une chaise.
Tout comme Damien, cet homme était incroyablement grand. Là s'arrêtait la ressemblance toutefois, car cet homme-ci avait le teint olive qui faisait penser à des origines méditerranéennes. Son crâne était rasé. Il portait des jeans noirs et un tee-shirt qui peinait à cacher plusieurs tatouages. Un épais bracelet noué en argent ornait son poignet droit, et un clou argenté perçait son oreille droite. Il aurait pu être un pirate dans une autre vie.
Tout d'un coup, inhabituel prit un tout autre sens. Julia n'avait jamais été aussi désemparée. Une part d'elle voulait s'enfuir, et une plus grande part voulait faire revenir son amie à la raison. Mais elle était clouée sur place par sa promesse de rester silencieuse.
Avec une grâce due à l'habitude, Lana s'agenouilla.
Mon dieu. Durant tout leur passage à l'université, elles s'étaient jurées de garder leur indépendance. Elles avaient repoussé les limites du plafond de verre, et s'étaient battues pour se faire une place dans le monde des affaires. Et voilà que maintenant son amie s'agenouillait devant son mari, presque nue, pour se donner en spectacle devant leurs invités?
Julia se demanda si elle était la seule qui était figée en état de choc.
Lana écarta ses jambes un peu plus, et se pencha en avant pour embrasser l'une des chaussures de Ben.
Julia s'étrangla de surprise.
À l'avant de la pièce, Damien la regarda par-dessus son épaule, sourcils levés.
Des mains fermes et implacables se posèrent sur ses épaules. Son cœur s'emballa de panique.
—Pas un mot, murmura un homme sèchement dans son oreille.
—Je -
—J'ai dit pas un mot.
Julia grinça des dents. Le ton de l'homme était autoritaire. Il la tira un peu en arrière, et elle inhala l'odeur typique, et sexy, du cuir.
Avec la même voix riche et rauque, destinée à ses oreilles uniquement, il ajouta:
—Sinon je serai obligé de te traîner hors d'ici pour te donner une bonne fessée.
Pour la première fois de sa vie, elle ne savait pas quoi dire.
—Lana agit de sa propre volonté, continua-t-il.
Julia se débattit contre lui, mais il serra d'avantage sa poigne.
—Elle a sûrement dû te dire de t'attendre à des choses peu conventionnelles.
—Mais -
—Fais lui confiance, la pressa-t-il, comme elle t'a fait confiance.
Quand Julia avait fait cette promesse à Lana, elle n'avait aucune idée de quoi il s'agissait ou à quel point il serait difficile de s'y tenir. Julia avait passé toute sa vie à en contrôler toutes les facettes, et elle s'entourait de femmes indépendantes comme elle. A présent, un homme puissant la tenait prisonnière pendant que son amie était à genoux devant toute la salle. La scène était irréelle.
Grâce à sa force inébranlable, l'homme entraîna Julia plusieurs pas en arrière de sorte qu'ils étaient à quelques mètres du reste des invités. Il la tenait fermement contre son corps.
Malgré tout, elle n'avait toujours pas aperçu le visage de son ravisseur.
—Tu veux vraiment causer une scène et t'humilier, toi et ton amie? demanda-t-il doucement. Rien de ce que tu pourras dire ou faire n'arrêtera la cérémonie. Alors je te conseille de te tenir à carreau.
—Va en enfer.
—Dernier avertissement, dit-il avec un ton empreint d'une autorité qu'elle n'osa pas défier.
Il parlait doucement , mais ça ne faisait que rendre ses paroles plus effrayantes. Il l'avait menacé d'une fessée, et sur le coup, elle était persuadée qu'il le ferait. Elle arrêta de se débattre.
—Mais t'es qui au juste? demanda-t-elle dans un murmure.
—Marcus Cavendish. Un Dominant, et ami du fiancé. J'ai rencontré Lana il y a six mois. Elle a fait beaucoup de chemin depuis pour suivre notre mode de vie. Ben est un sacré veinard pour avoir obtenue la soumission d'une femme aussi charmante.
Julia avait l'impression que Marcus parlait une langue étrangère.
—Si tu promets de bien te tenir, je t'expliquerai ce qui se passe.
Julia hocha la tête.
De l'autre côté de la pièce, Lana se mit debout, face à Ben.
—Veux-tu offrir ta soumission? demanda Ben.
Lana inclina sa tête en arrière.
—Oui, Monsieur. Je le veux.
Damien ramassa quelque chose sur le manteau de la cheminée et le tendit à Ben. Julia se mit sur la pointe des pieds pour essayer d'avoir un meilleur aperçu
—Dans le monde vanille, ça ressemble à un collier argenté avec une serrure dessus, fit Marcus. Mais ceux qui connaissent notre mode de vie savent de quoi il retourne. Un collier d'appartenance.
—Un collier… d'appartenance ? répéta Julia. Le signification la choqua tellement qu'elle en oublia de demander de quel mode de vie il parlait.
—Certains utilisent les colliers pour chiens qu'on trouve dans les animaleries, ajouta-t-il.
—T'es sérieux?
—A mort.
Elle serra ses bras autour de sa taille.
—Dans ce cas précis, ça ressemble plutôt à un bijou ordinaire, mais qui se ferme sans doute avec une vis hexagonale pour ne pas qu'elle puisse l'enlever.
Ben prit le collier des mains de Damien, et passa la chaîne sur la flamme d'une bougie gigantesque.
—Il purifie le métal, expliqua Marcus. Ensuite, il demandera de nouveau si elle se soumet de son plein gré.
Ben regarda Lana et lui attrapa le menton avant de dire:
—Je t'offre ce collier en symbole de mon amour, et comme promesse d'être un bon Maître, fiable et honorable. En retour, je te demande ta servitude. Je respecterai les règles qu'on a établies, et je ne te ferai jamais de mal sous le coup de la colère.
Lana lia ses mains dans le creux de son dos, tout en gardant ses yeux fixés sur ceux de son nouveau mari. Elle répondit avec fermeté.
—J'accepte ton cadeau. En retour, je t'offre mon humble dévotion et la promesse de ma servitude.
Pour Julia, ces mots sonnaient aussi répétés que leurs vœux traditionnels l'avaient été.
—Nous sommes réunis aujourd'hui devant nos amis et mentors, et je veux que tout le monde t'entendent dire que tu acceptes d'être mon esclave de ta propre volonté.
Julia sentit son sang se glacer dans ses veines. Comme si Marcus l'avait sentit, il resserra sa prise sur elle. Bizarrement, son contact la rassura et la calma au lieu de l'agacer.
—C'est avec joie que j'accepte d'être votre esclave, Monsieur.
Même à cette distance et à la lumière tamisée, Julia vit le sourire de Lana.
—En fait, je vous supplie de m'accorder cet honneur. Monsieur, veuillez me mettre ce collier.
—Soulève tes cheveux, dit Ben à Lana.
Lana obéit. Lorsque Ben ferma son collier à clé, Lana le regarda avec un air de soulagement et de béatitude. Julia se demanda ce qui était arrivé à la femme qu'elle connaissait. A l'époque, elles partageaient du pop-corn dans leur chambre d'étudiante en buvant du vin et en se moquant des vieux films des années cinquante où la femme préparait le dîner en robe et talons. Pourtant, maintenant, un homme mettait un collier de soumission au cou de Lana, et c'est elle qui le lui avait demandé.
Sans aucun ordre, Lana s'agenouilla de nouveau, les yeux baissés vers le sol. Puis, Ben glissa une main dans ses cheveux et inclina sa tête en arrière. Lana leva les yeux.
—Merci, Maître.
—Maître? murmura Julia, plus perturbée qu'elle ne l'avait jamais été avant.
—Tous les couples n'utilisent pas ce terme, mais ils ont choisi de le faire.
—Mesdames et messieurs, dit Damien, je vous présente Maître Ben et sa femme-esclave, Lana.
—Esclave?
Encore une fois, Marcus resserra sa prise sur l'épaule de Julia, la prévenant sans un mot de garder le silence.
Ben aida Lana à se relever et l'embrassa profondément. Pas un petit bisou du bout des lèvres, mais un baiser fougueux. Il avait une main sur les fesses nues de Lana, et son autre main écartée en travers de son dos.
Sans aucune honte, Lana se leva sur sa pointe des pieds et se pressa contre Ben. Julia n'avait jamais rien vu d'aussi sexy à un autre mariage. Son amie était l'image même de la joie pure et véritable, et personne ne semblait remarquer qu'elle était à moitié nue.
Certains applaudirent, d'autres chahutèrent et sifflèrent, mais Julia garda fermement ses bras serrés autour d'elle même.
—Un discours ! s'exclama l'homme qui avait ramassé la robe de Lana du sol.
A son signal, plusieurs serveurs se faufilèrent dans la pièce, portant des plateaux remplis de verres de vin pétillant. Leurs tenues choqua Julia. Les hommes portaient un nœud papillon autour du cou mais pas de chemise. L'un deux portait une paire de shorts moulants, les autres des pantalons au moins une taille trop petite. Les femmes portaient un tablier par-dessus un string, des bas et un porte-jarretelles.
—C'est quoi ce bordel?
Elle se retourna pour faire face à son ennemi juré.
—Un discours, dit Marcus sèchement.
Il attrapa deux flûtes d'un serveur qui passait et lui en offrit une.
—Et tu vas continuer à bien te tenir.
Son instinct de survie ne l'autorisa pas à répliquer. Honnêtement, le voir lui avait coupé le souffle. Grand et robuste, il avait l'air dans son élément dans ce paysage des Montagnes Rocheuses. Ses cheveux sombres étaient coupés courts pour mettre en valeur ses yeux verts vifs. Il portait des bottes noires par-dessus un pantalon, une chemise blanche impeccable et une veste en cuir souple et noire. Son parfum invoquait la masculinité pure.
—Ils sont à moitié nus, dit-elle.
—Vraiment?
Était-elle la seule à avoir remarqué à quel point cette soirée était bizarre? Personne d'autre ne battait un cil. Elle accepta le verre, et l'aurait bu cul-sec si ce n'allait pas à l'encontre des bonnes manières.
—Tournes-toi vers les jeunes mariés, ordonna Marcus.
Quand elle ouvrit la bouche, il leva les sourcils. Après avoir vu la taille de ses mains, ainsi que les égratignures et coupures qui les recouvraient, elle le pensait tout à fait capable de mettre à exécution ses menaces et de lui donner une fessée.
Son air d'autorité l'agaçait tout autant que ses propres réactions instinctives à son égard. Elle était une femme moderne qui dirigeait tout un service au travail. Julia n'avait aucun problème avec le fait qu'un homme soit en charge. Par contre, elle avait un gros problème avec les hommes dominateurs - comme le spécimen qu'elle avait sous les yeux.
—Tournes-toi maintenant, lui dit-il. Je ne tolérerai pas ton insolence.
Insolence? Ses bonnes manières étaient impeccables. Ou du moins, elles l'avaient été jusqu'à cette soirée.
Fâchée et prête à s'éclipser de la fête aussitôt que possible, Julia se retourna vers le devant de la pièce, l'insupportable Marcus Cavendish à ses côtés. Elle ne put s'empêcher d'inhaler l'odeur sexy de sa veste en cuir et, à cette distance, elle remarqua d'autres nuances plus subtiles. Il sentait l'air frais des Montagnes Rocheuses, avec une fragrance plus épicée aussi, peut-être son savon.
C'était un Homme avec un H majuscule.
Elle essaya de ne pas le laisser la dominer, mais quelque chose de primal en elle lui répondait.
—A une vie longue et radieuse, dit Damien, se tenant aux côtés du couple et face aux invités.
Damien leva son verre et tout le monde, elle y comprit, firent de même.
Les jeunes mariés trinquèrent ensemble avant de boire une gorgée.
Quand Lana avala une gorgée, Ben prit le verre de Lana et le posa sur le manteau de la cheminée.
Julia serra les dents.
Elle avait beau lui trouver tous les défauts, la vérité était qu'elle n'avait jamais vu Lana aussi heureuse. Elle avait l'air de se ficher complètement d'être à moitié nue, et c'est à peine si elle avait quitté Ben des yeux.
Julia les observa un moment avant de secouer sa tête avec véhémence. Jamais elle n'aurait pu imaginé que Lana se laisse traiter comme un paillasson par un homme. Quand elle avait dîné avec le couple deux semaines plus tôt, jamais Julia n'aurait pu suspecter que Ben était capable de ce genre de comportement non plus. Au contraire, il était prévenant envers Lana. Évidemment, Julia avait trouvé un peu étrange que Ben commande le repas de Lana à sa place, mais il lui avait demandé son avis avant, et les deux se touchaient constamment. Julia les avait trouvé mignons. Elle ne se doutait pas du tout de ce qui se passait derrière portes closes.
Elle ne pouvait pas décider à la place de Lana, mais Julia était certaine de plusieurs choses: jamais elle ne laisserait quelqu'un décider à sa place si elle avait assez bu; elle ne s'agenouillerait pour aucun homme; et elle ne laisserait absolument personne lui mettre un collier de soumission.
—Des boissons sont à votre disposition dans la salle à manger, annonça Damien. Les jeunes mariés vous rejoindront bientôt. En attendant, profitez de la maison.
Julia était sûre que Damien jeta un regard en direction de Marcus avant d'ajouter :
—Le donjon est disponible si jamais quelqu'un en ressent le besoin.